Gérard Garouste au Centre Pompidou du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023

Le grand retour du Baroque

Publié par arman - mardi 27 décembre 2022, 18:26 | Voir les avis

contemporain

On peut reprocher au peintre contemporain Gérard Garouste de ne trouver l'inspiration que dans l'outrance : nous ne montrerons pas cependant les tableaux où des personnages réels identifiés par leurs bustes de photomaton, voient leur corps exposés tordus jusqu'à l'impossible, comme sur des caricatures datées.

Car ne nous méprenons pas, lorsqu'il a vraiment quelque chose d'intéressant à raconter sur sa toile (figurative), Gérard Garouste montre qu'il est un immense artiste en y déployant une technique au pinceau digne d'un Grand Maître du Baroque. Il justifie alors pleinement le sous-titre donné à l'exposition qui lui est consacrée en ce moment par Beaubourg : Puissance de la Peinture.

Gérard Garouste né en 1946 impose pratiquement dès ses débuts une carrière de futur peintre, avec des toiles grand format dont le style doit beaucoup, de l'aveu de Garouste lui-même, au Tintoret at au Gréco.

Tel un maniériste baroque

Il est rare pourtant qu'un peintre contemporain assimile aussi bien la manière des Grands Maîtres pour créer un univers aussi étrange que grandiose.

Dans cette scène au ciel bleu nuit enveloppé de ténèbres, l'observateur qui gravit un chemin pentu à la sortie d'un bois fait la rencontre de deux personnages nocturnes, l'un accompagné d'un chien aux airs de loup. L'autre tel un Oedipe infirme semble faire voleter comme des cartes des tables de la loi ou du hasard. Ces personnages, des vêtements desquels se dégage une lumière quasi phosphorescente, appartiennent à un récit inconnu et l'objet de leur présence reste totalement mystérieux. Adhara (1981) fait rencontrer un succès tonitruant à Gérard Garouste dès sa première présentation à New York : il est vrai que tout dans l'ambiance y tient de la légende et du mythe.

C'est le cas également des Incendiaires (1982) en tête de cet article, qui fait déjà monter au plafond les grandes flammes que ces trois individus isolés ont l'intention d'allumer, et de L'Indien, le Chien et le Miroir (1982).

Trois chefs d'oeuvre.

Dialogues intenses

A la fin des années 1980 à l'instar de ce que fit plus tôt un Pablo Picasso, Gérard Garouste peint dans des paysages abstraits des personnages antropomorphes symbolisant sinon un couple, du moins un homme et une femme seuls livrés l'un à l'autre.

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Même dans cet environnement abstrait on peut deviner une certaine tension dans les échanges entre personnages comme dans Inferno, Dante et Virgile (1987) où l'écarlate, la lumière qui se reflète sur les personnages et les nuages qu'on croirait lancés de l'un vers l'autre font croire à l'intensité dramatique en cours sur une scène de théâtre. Garouste s'inspire aussi de Vélasquez qui aimait déjà bien avant lui mettre en valeur des personnages de la cour espagnole comme Le Bouffon Pablo de Valladolid sur des espaces contrastés mais quasi monochromes.

Il semble que le temps déjà venteux soit à la tempête sur Les rives de l'Eunoé (1986) où deux personnages également antropomorphes comme deux arbres penchés s'attirent d'une main et en empoignant une ombrelle se repoussent de l'autre.

Photomatons et mythes

Un nouveau style apparaît à partir des années 1990-2000 dans la peinture de Gérard Garouste pour rester pour de bon : c'est celui consistant à représenter avec un réalisme très photographique les visages des personnes de l'entourage de l'Artiste, lui et ses propres amis en particulier. Comme on est chez Garouste les personnages sont mis en scène dans des scènes étranges, tirant même à la caricature, où les corps sont torsionnés jusqu'au ridicule. 

Heureusement l'Artiste touche le visiteur en le confrontant parfois au fantastique, comme dans Wagner, Méphistophélès et l'Homonculus (2013) ci-dessus : Wagner fier du double personnage vivant qu'il vient de créer avec l'aide du diable, brandit la créature au spectateur de ses sept doigts. On devine l'emprise faustienne que subit Wagner à l'assurance dont il fait montre en exhibant sa créature. Comme chez Vélasquez, la scène a lieu dans un espace indéterminé à la fois fermé par la couleur mais sans fond et infini, qui fixe d'autant plus un regard perplexe vers le premier plan sur la créature.

Gérad Garouste aime tellement les mythes qu'il illustre avec réussite des oeuvres littéraires édifiantes comme "Don Quichotte" et le Talmud. Il tente également de créer et représenter ses propres légendes avec plus ou moins de bonheur cette fois, car si le coup de pinceau est souvent admirable, bien souvent le propos du récit reste par trop hermétique. On peut cependant apprécier les inventions formelles et les couleurs de fond des portraits ci-dessus. 

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Ce style de Garouste atteint cependant un point culminant avec Le Banquet (2021) cette farandole d'humains d'abord attablés et d'animaux projetés sous une pluie de confettis sur le Grand Canal de Venise. Le style de Chagall y rejoint celui du Tintoret.

Comédie policière

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A ses tout débuts, alors qu'il est encore le décorateur de la fameuse boîte de nuit "Le Palace", Gérard Garouste peint une sorte de série policière sur toile, Comédie policière (1978) à la flamboyance déjà en place : Gérard Garouste y mettait déjà en germe celle des chefs d'oeuvre au grand format à venir. On peut ne pas apprécier l'intégralité de l'oeuvre de Garouste, on est forcément interloqué par son coup de pinceau sur certaines de ses grandes toiles. Il était temps que le Centre Pompidou consacre une exposition à l'un de nos plus grands peintres contemporains. A quand alors également et maintenant une monographie consacrée à Philippe Desgrandchamps, artiste exceptionnel dont nous avons déjà porté aux nues le grand souffle d'air dans les toiles?

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