Exposition "Camille Pissarro, le Premier des Impressionnistes"

Pissarro, l'esprit bucolique

Publié par arman - jeudi 13 juillet 2017, 01:02 | Voir les avis

classique

Le Musée Marmottan présente jusqu'au 16 juillet une ample rétrospective de l'oeuvre de Camille Pissarro (1830-1903) l'un des Pères de l'Impressionnisme avec Auguste Renoir et Claude Monet.

L'exposition couvre toute la période créative du peintre et s'étend d'une oeuvre de jeunesse représentant l'île de Saint-Thomas jusqu'aux dernières vues urbaines des Tuileries et de l'Avenue de l'Opéra.

Elle fait bien sûr la part belle aux nombreux paysages de la campagne francilienne.

En effet, le Maître de Gauguin et Cézanne est avant tout le peintre de la vie rurale, qu'il reproduit sur place dans les villages d'Ile-de-France où il décide de s'installer (Pontoise, Louveciennes puis Eragny). A ses débuts en France il n'est certes pas l'impressionniste au style que l'on connaît mais sa peinture de jeunesse est néanmoins plus qu'intéressante. 

Saint-Thomas

Issu d'une famille juive du Bordelais, Camille Pissarro est né aux Antilles danoises - aujourd'hui les Iles Vierges américaines. Son père possédait à Saint-Thomas une entreprise de quincaillerie marine très prospère.

A son arrivée en France à l'âge de 25 ans le jeune artiste possédait déjà un don pour la peinture ce que montre l'exposition avec le tableau ci-dessous accroché dans sa salle d'entrée.

Deux femmes causant au bord de la mer - 1856 - Washington, National Gallery of Art

La mer nappe onctueusement la terre et son rivage, absorbe comme un miroir les rayons du soleil en un large halo blanc. Tandis qu'ils percent les nuages brumeux pour mettre en lumière tous les détails rugueux et terreux du chemin autour des deux lavandières.

Bien sûr la photographie n'arrive pas à imiter la perfection de ce souvenir de Pissarro à Saint-Thomas : car les projections de lumière et autres jeux sur la toile sont dignes des plus grands Rembrandt vus notamment lors de la sublime rétrospective présentée au Jacquemart cette année.

Louveciennes 

Après Pontoise, Camille Pissarro s'installe à Louveciennes dans les Yvelines en 1869, y fonde une famille qui s'avérera nombreuse. Tout comme Claude Monet, Pissarro va y multiplier les versions du même motif : la route de Versailles et cette double vue côte à côte est le jalon suivant important de l'exposition.

Route de Versailles à, Louveciennes, neige - 1870 - Zurich, Fondation et Collection Emil G. Bührle

Route de Versailles à Louveciennes, Soleil d'hiver et neige - 1870 - Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza

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La lumière de l'aube colore d'un voile fin et rose la neige rayonnante du matin. Sur la seconde toile le soleil d'hiver darde sur la route ses rayons tièdes et dorés à travers un ciel bleu à peine voilé.

Pontoise et Eragny

De retour à Pontoise en 1872, puis à Eragny où il s'installe définivement en 1884 avec sa grande famille, Camille Pissarro multiplie les paysages champêtres et les scènes d'inspiration rustique. Si les paysans qu'il peint au labeur ont un trait souvent naïf sa peinture rend toujours admirablement compte des impressions laissées par un paysage : les jeux de lumière sur la nature, l'air voilé d'un léger brouillard ou le givre matinal sur les champs encore endormis.

Gelée blanche à Eragny - 1873 - Musée d'Orsay

La sente du chou, Pontoise -1878 - Douai, Musée de la Chartreuse

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Les stries laissées par une allée d'arbres laissent apprécier un sol givré et recouvert de la lumière douce et rose du matin. Le personnage solitaire et son fagot est un arbre de plus dans cette campagne solitaire.

La peinture de Pissarro rend compte également de la surprenante harmonie des couleurs et de la correspondance des motifs comme dans la paysage de "La sente du chou". Les arbres et les cheminées se confondent ici au loin, tout comme la fumée émise avec les nuages bleutés. C'est donc un ciel un peu sale qui fait écho à cette nature de broussaille en bord de zone industrielle, tout près de Pontoise. L'herbe autour des deux personnages en promenade est cependant verte et fraîche comme une pomme.

Si représenter la paysannerie n'était pas le point fort de Camille Pissarro, cet admirable chef d'oeuvre seul pourrait nous laisser croire le contraire.

La faneuse - 1884 - Mexico, Collection Pérez Simon

Par un temps venteux et presque à l'orage un petit garçon submergé par les herbes folles s'en remet éperdu à la chaleur de sa mère et à ses joues si écarlates à l'abri sous un chapeau de paille.

Pointilliste

Quelques tableaux rendent compte du goût du peintre pour le pointillisme naissant. Camille Pissarro appuie non seulement Georges Seurat contre Monet et Sisley, pour qu'il fasse partie du cercle impressionniste mais il adhére totalement à sa nouvelle technique. Camille Pissarro devient le disciple à son tour de l'un des grands disciples de l'impressionnisme : il réalise ainsi certaines des plus belles toiles peintes dans ce nouveau style.

L'Ile Lacroix, Rouen (L'effet du brouillard) - 1888 - Philadelphie, Museum of Art

La maison de la sourde et le clocher d'Eragny - 1886 - Indianapolis, Museum of Art

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Le grain pointiliste sur la toile donne évidemment l'idée du brouillard venant de la mer, de ses fines goutelettes suspendues dans l'atmosphère. Mais un détail plus constrasté fait de ce tableau un authentique chef d'oeuvre.

Dans ce paysage froid et immobile, la fumée d'une cheminée d'usine tournoye en une parfaite volute évanescente. Plus à droite une tâche rougeâtre, plus rougeâtre en vrai, irradie dans l'ombre bleue d'une grande fabrique : c'est l'évocation du foyer de la grande forge cachée en réalité derrière les murs, une fantastique source de chaleur qui contraste avec l'air hivernal de façon subliminale.

Quant au jardin peint à Eragny, chaque touche verte se dédouble d'une seconde jaune tel un rayon lumineux qui se réfléchit sur chaque brin d'herbe chaque feuille et fuse vers l'observateur ébloui du tableau.

Les ports de Normandie et Paris

L'exposition se poursuit certes avec les marines peintes par Pissarro dans les ports de Normandie mais nous n'avons pas réussi à en trouver de véritablement convaincantes.

Ce qui n'est pas le cas du dernier thème des vues de Paris. Si celles de l'avenue de l'Opéra ne nous ont pas convaincu autant qu'à l'exposition Chtchoukine (Pissarro pouvait peindre comme on l'a vu de nombreuses versions du même motif), il faut noter la vue neigeuse des boulevards extérieurs aux touches épaisses et blanches, ainsi que celle du jardin des Tuileries au petit matin.

Avec l'exposition du Musée du Luxembourg, le Musée Marmottan prouve avec plaisir que Camille Pissarro est loin d'être le parent oublié de l'Impressionnisme.    

Pas d'avis pour l'instant.
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