Exposition "Bifurcations" à la Galerie Perrotin

Jeu de miroirs

Publié par arman - dimanche 10 décembre 2017, 16:52 | Voir les avis

contemporain moderne

Julio Le Parc, 89 ans aujourd'hui, fait partie d'une génération d'artistes, avec François Morellet et Jésus-Rafael Soto notamment, qui révolutionnèrent l'Art Moderne à Paris dans les années 1960. Au sein du fameux Groupe de Recherche d'Art Visuel (le GRAV), il réinventa ce que l'on appelle aujourd'hui l'Art Optique et Cinétique, forme d'expression à visée purement sensorielle basée sur le mouvement de l'oeuvre, ou de l'oeil qui la contemple.

De l'Artiste argentin, la Galerie Perrotin expose en ce moment des oeuvres récentes (peintures, mobiles et installations) et d'autres, sans former une rétrospective, remontent aux débuts de sa carrière à Paris. 

Tout comme ses amis du GRAV, Julio Le Parc envisage son art comme la mise en oeuvre d'une expérience sensorielle pour le spectateur. Et tous les effets optiques dont il dispose sont bons pour tenter de le surprendre et le stimuler, c'est le cas dans les deux grandes installations de l'exposition conçues très récemment par l'Artiste.

Deux installations étonnantes

Si Monet voulait que ses Nymphéas de l'Orangerie soient un moyen de détente véritable, permettre à chacun de se relaxer à la fin d'une journée de travail, Julio Le Parc a atteint ce même objectif avec Continuel lumière au plafond (2017), installation composée d'une multitude de petits miroirs pendus au plafond d'une salle plongée dans le noir.

Un canapé carré permet de se coucher pour observer les rayons de lumière qui rebondissant de miroir en miroir finissent par se reflèter au plafond. Plus qu'à des étoiles filantes cela ressemble à un champ de roseaux éclairés par un rayon de soleil qui bruissent au vent. Ces traits de lumière muets, qui s'agitent comme des ailes de libellules, permettent finalement de prendre le dessus sur le brouhaha moderne.

Dans Espace à pénétrer avec trame la sensation est celle d'un sol qui se dérobe du fait des grands miroirs tournants, une impression de sable mouvant dans un univers optique recouverts de lignes blanches et noires, où le réel et son reflet en mouvement sans cesse se superposent, et finissent par se confondre.

Espace à pénétrer avec trame (Variation du labyrinthe de 1963) - 2017

Peintures 

La peinture de Julio Le Parc est elle aussi à effets cinétiques (les formes se contorsionnent pour imprimer un mouvement) et optiques. Malgré un formalisme et une abstraction forcenée elles atteignent une poésie philosophique insoupçonnée.

Séquences ambivalentes - 1959-1991

Modulation 204 - 1976

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Les "jetons" noirs et blancs partagent le même cadre, grossissent ou se rétractent, cèdent leur proéminence de façon imperceptible, d'une zone à l'autre : en haut à droite, pour les blancs, en bas à gauche pour les noirs. La beauté de cette toile, ce qui la rend si agréable à regarder, c'est que des zones de dominance sont clairement identifiées par l'oeil : les "jetons" pourtant équitablement répartis sur la toile semblent grossir d'une même couleur au fur et à mesure que notre regard monte (ou descend) en direction diagonale.

Modulation 204 : des lignes à la direction hésitante qui serpentent et, si elles finissent par converger en étoile, s'enferment en son centre comme un banc frétillant d'anguilles. 

Même si l'exposition "Dynamo" restée dans les mémoires de ses visiteurs eut bien lieu en 2013 au Grand Palais, Julio Le Parc et les artistes cinétiques de Paris n'ont pourtant pas la reconnaissance des grands musées internationaux qu'ils méritent. Ils ont pourtant bien plus de talent que nombre d'artistes conceptuels comme eux (Sol Lewitt, Dan Flavin) mais sont bien moins célébrés parce que non américains peut-être... 

L'exposition "Bifurcations" de Julio Le Parc à la Galerie Perrotin dure elle en tout cas jusqu'au 23 Décembre.

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