Exposition "21, rue la Boétie" au Musée Maillol jusqu'au 23 juillet

En compagnie d'Anne Sinclair

Publié par arman - mardi 23 mai 2017, 08:03 | Voir les avis

moderne

"21, rue la Boétie" est l'adresse de la galerie ouverte en 1911 par le célèbre marchand d'art Paul Rosenberg, où il officia durant la première moitié du XXème siècle. Le Musée Maillol lui rend hommage pour la sortie du livre éponyme écrit par sa petite-fille la journaliste Anne Sinclair. C'est l'occasion ainsi de découvrir des oeuvres ayant appartenu à la galerie Rosenberg signées par les grands peintres de l'Art Moderne .

Dans la première partie de l'exposition les oeuvres accrochées sont toutes signées Henri Matisse, Marie Laurencin, Fernand Léger, Picasso et Braque : car le marchand d'art était avant tout intéressé par l'Art Moderne en plein essor durant l'entre-deux guerres.

Picasso - Braque

Paul Rosenberg s'intéresse en effet assez tôt au Cubisme et commence à partir de 1918 à vendre des tableaux de Pablo Picasso et Georges Braque. Même si ce ne sont pas toujours les plus beaux fleurons, les oeuvres des deux peintres sont très présentes à l'exposition et celles-ci valent largement le coup d'oeil.

Portrait de Madame Rosenberg et sa fille - 1918 - Pablo Picasso - Musée Picasso

Ce portrait de Mme Rosenberg et de sa fille paraît très troublant au premier regard. Les plis en vaguelettes de la robe épousent son regard fuyant de côté et son sourire ténu en circonflexes. Sa fille, bébé extrèmement potelé, écrase de sa présence ces mouvement latéraux. Tout semble en harmonie pour gommer le strabisme de Mme Rosenberg et faire d'elle un portrait flatteur et vrai.

Table basse - Georges Braque

Pichets et coupe de fruits - 1931 - Pablo Picasso - Collection privée

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Georges Braque réalisa cette table basse pour son marchand d'art. Une cruche obscure au liseret blanc, des citrons décomposés en mosaïque : tous ces éléments aplanis sont ceux d'une nature morte peinte à même le marbre, qui garde une impression de volume suffisante pour jouer avec notre regard, comme si des citrons avaient été réellement posés.

Pour Picasso, les jarres et les couverts, bizarres oiseaux marins aux larges becs ouverts, flottent sur les vagues d'une nappe aux replis soulevés par le vent.

Baigneur et Baigneuses (Détail) - 1921 - Pablo Picasso - Collection Privée

Picasso réussit la parfaite synthèse peinture - sculpture conférant un volume adéquat aux bras et aux jambes arrondis des personnages (notamment à ce naïf qui rappelle le "Pierrot" de Watteau) et leur donnant par l'usage d'un rose très vif une incarnation latente particulièrement caractéristique de cette période : les personnages prennent vie.

Les Impressionnistes

Paul Rosenberg possédait également dans sa galerie des tableaux impressionnistes. Ceux accrochés pour l'exposition sont quelque peu décevants y compris un portrait peint par Edouard Manet. Signalons malgré eux un portrait de jeune fille peint par Toulouse Lautrec, et un paysage de Sisley tous deux admirables. En outre une perle absolue surnage parmi les toiles impressionnistes, c'est ce paysage ensoleillé et bucolique d'Auguste Renoir.

Le Poirier d'Angleterre - 1873 - Auguste Renoir - Musée d'Orsay

Les rayons du soleil dardent la verdure du poirier d'Angleterre, s'écrasent éblouissants jusqu'à se confondre avec la nature printanière, la rendant cotonneuse. C'est l'embrasement flou et doux d'une campagne verte et généreuse, quelque chose qui ressemble à un bien-être idéal, comme toujours chez Renoir. 

"Art dégénéré", Art abstrait

L'exposition dans sa deuxième partie réserve une surprise plutôt glaciale au visiteur, lorsqu'il pénètre au rez-de-chaussée dans une salle tapissée de toiles au motif rustique et au trait grossier. On pourrait en effet les retrouver dans le salon ou la salle à manger de sa propre tante Germaine. Il s'agit de toiles teutones rassemblées par les nazis en 1937 à Munich pour un grand événement consacré au prétendu "Art Allemand". On fuit ces horreurs sans demander son reste en maudissant Hitler et les quinze euros payés pour voir ça.

L'exposition qui s'est déjà beaucoup éloigné de la galerie et des oeuvres de Paul Rosenberg devient un manifeste contre la politique culturelle nazie. Un autre thème effleuré est en effet celui de l'exposition hitlérienne "l'Art Dégénéré" et ses artistes modernes allemands qui devaient faire l'objet d'humiliation publique. Très peu de toiles cette fois mais la présence de ce Franz Marc splendide :

Chevaux au pâturage - 1910 - Franz Marc - Musée des Beaux-Arts de Liège

La pointe des sapins taillés à la serpe, la tête des chevaux à pointe de flèche : tout dans cette nature veut aiguiser l'agilité latente des purs sangs au repos.

Paul Rosenberg dut fuir le nazisme pour l'Amérique dès 1940. Sa galerie au 21 rue La Boétie est transformée en un sinistre "Instut d'Etudes des Questions Juives", ses oeuvres restées à Paris sont spoliées par les nazis. Paul Rosenberg ouvre une galerie à New York où il expose après la guerre l'oeuvre de Nicolas de Staël, rendant le peintre français riche et célèbre. 

Fleurs blanches et jaunes - 1953 - Nicolas de Staël - Genève, Fondation Gandur

Ce bouquet de fleurs blanches à la pâte épaisse se désagrège comme de la neige secouée d'un sapin. Le blanc a de la matière, les couches de couleurs autour, plus plates, sont vives.

Avec l'installation de Paul Rosenberg à New-York, c'est le centre de gravité du marché de l’art qui se déplace irrémédiablement de Paris à New-York.

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